
Histoire complète du Château Saint-léger

LA SEIGNEURIE
En 1324, les seigneurs de Saint-Léger furent dépossédés de la juridiction de leur terre, dont ils avaient été reconnus usurpateurs. Ce n'est qu'en 1603 qu'ils obtinrent de détacher ces droits de justice de la châtellenie de Davayé, moyennant 240 livres qui furent payées par Jean Siraudin, un de ces seigneurs, à Thomas Chandon, acquéreur de cette châtellenie. Lors de cette cession, Jean Siraudin n'avait probablement qu'un but honorifique puisque quarante ans après, Claude Demeaux, seul seigneur du lieu, déclare dans son dénombrement de 1617 qu'en l'étendue de la paroisse de Saint-Léger il ne réside que deux justiciables. Le sieur Demeaux déclare en outre qu'il ne jouit plus du péage de Montbeller, dont un ci-devant seigneur de Saint-Léger fit hommage au duc de Bourgogne le 18 août 1428, ni des droits des langues bovines de Mâcon, ni de l'office de maréchal et sénéchal de l'abbaye de Tournus, tenu en fief de l'abbé, le tout déclaré en un dénombrement de 1539.
Dans l'énumération de ses autres droits, le sieur Demeaux parle des dîmes de la paroisse, dont il possède les deux tierces parties et le curé du lieu l'autre tiers, et il ajoute que ces deux tierces parties produisent une botte de vin et une moitié de blé, le tout valant en argent seize livres. Pour les cens et servis portant laods (il n'indique point à quel taux) ils rendent, en argent, vingt sols tournois, en froment six coupes et en vin, une feuillette.
Au dénombrement de 1712, donné par dame Antoinette Aujas, la rente noble a augmenté, ses produits sont les suivants : argent, trente sols sept deniers parisis; froment, huit coupes et quart; avoine, deux coupes et quart; vin à la cuve treize quartes sept pots et le tiers d'un autre; poules, huit et le tiers d'une autre. Il en est de même de la dîme qui rend en blé, froment, seigle et autres grains treize à quatorze coupes et en vin, quatre bottes.
Comme biens féodaux, ce même dénombrement mentionne un enclos, renfermant un jardin, un verger et une vigne « vieille et ruinée comme toutes les autres dudit lieu » au milieu de laquelle se dresse un colombier à pied, plus une portion de pré contenant la place à dix chars de foin. L'autre portion de pré qui contient celle de quinze chars relève des directes des chapitres de Saint-Vincent et de Saint-Pierre de Mâcon, du doyenné de Chevignes et de la seigneurie de Condemines.
Les autres biens possédés en roture par le sieur Demeaux paraissent considérables. Un premier domaine renferme une terre de cent vingt coupées de semence, relevant pour quarante-huit du doyenné de Chevignes et de la seigneurie de Condemines, une vigne de cinquante ouvrées relevant de diverses seigneuries et un pré produisant environ dix chars de foin. Un second domaine contenant en terres cent quarante coupées relevant aussi de diverses censives, et en vignes cinquante ouvrées qui relèvent partie de celle de Saint-Pierre, partie de celle de l'Hôtel-Dieu. A ajouter à ces deux domaines encore un pré d'un produit de dix chars de foin, trois vignes, dont quarante ouvrées en divers climats, trente au lieu appelé En Cras et encore quarante, avec une maison, situées en Beauregard. On doit encore mentionner la portion du droit de pêche qui s'étend du dessus du pont de Mâcon au port Bolet, et qui en 1701 était indivise entre Salomon Chesnard et Emmanuel et Pierre Chesnard, ses frères. En 1702, ledit Salomon Chesnard voulant obtenir l'autorisation d'un emplacement nouveau pour le cimetière de Saint-Léger, encombré de corps, le fait visiter par messire Jean Chassagnon, grand vicairc, en présence, dit l'acte « de ses grangers et vignerons, seuls habitants de ladite paroisse ».
En 1785, la terre s'affirmait 6.000 livres, et dans un partage de famille de l'an 1800, Saint-Léger, part de dame Lucie Ratton, fut estimé 146.147 livres. Ayant retrouvé un exemplaire imprimé des affiches, qu'en 1785 Pierre-Elisabeth Chesnard, seigneur de Vinzellex, fit placarder pour la vente de cette terre, nous allons la reproduire :
**À vendre la terre et seigneurie de Saint-Léger, près Mâcon, en toute justice, situation très agréable, presque d'un seul tènement en prés très considérables, terres, vignes et bois, le tout affermé 6.000 livres. Les amateurs se rendront le 25 avril 1785 en l'étude de M. Lagrange, notaire à Mâcon, où la délivrance en sera amiablement faite, en des conditions faciles pour l'acquéreur. On trouvera chez le notaire un détail plus circonstancié de ladite terre et de ses dépendances.**
LES SEIGNEURS
En 1324, les héritiers de la dame de Saint-Léger sont mentionnés parmi les seigneurs du Mâconnais qui avaient usurpé la justice royale, sur leur terre, dans la prévôté de Mâcon.
Philibert de Saint-Léger, cuyet, seigneur du lieu, bailli de Mâcon et cérébral de Lyon, est un des arbitres choisis, en 1177, pour fixer les dommages causés par les plus d'armes du seigneur de Chalies.
Juteline de Sicile, cuyet, seigneur de Saint-Léger, maréchal héréditaire de l'abbaye de Tournus, figure aux États du pays en 1487.
Jutry de Sicile, cuyet, seigneur de Saint-Léger et de La Tour (Saint-Cémenil) en 1575, est aussi maréchal héréditaire de l'abbaye de Tournus.
Philibert de Sicile, cuyet, seigneur de Saint-Léger, maréchal héréditaire de l'abbaye de Tournus.
Jean Siraudin, cuyet, est seigneur de Saint-Léger, était un des quatre fils de Nicolas Siraudin, notaire royal en 1570. Sa jeunesse se passa à guerroyer comme homme d'armes de Tavannes dans l'armée des royaux. Il examine l'aimance dans un livre de raison les blessures qu'il reçut « en servant le parti du roy pendant la Ligue, savoir, cioi grande playes venant de coups d'épées » travers le corps, en le reste où ils a été reganés, un coup de mouquet en l'une des jambes, ému chevaux turc sous luy, cioi foit prisonnier... ». Jean Siraudin ne nous dit point dans quelles actions il reçut ses blessures, de même il passe sous silence le véritable acte de brigandage que plusieurs habitants de Gênes l'avaient d'avoir exercé contre eux en 1574. Dans une plainte adressée au Bailliage, en 1577, ils exposent « que après avoir couché à un coup d'outre les soldats postulées, on par le grise de leur bétail, soit par celle de leurs personnes durant les murétales troubles, non content de cela, en l'année 1574, après la célébration de Mâcon, le défenseur accompagne le reptilui huir, soldes, hors armée et embannone, ensuite à suite à l'exprime en la papouse de Gibles, un jour de dimanche alors qu'on extiendrait le divin arrivé. Après ils, avec ses gens, les uns ayant l'épée que au poup, les autres avec un otéoble, le chien souche, il entre, ce saint eutre autres des remancours, les le fera et maina, les carotte et comme forfait les usque prisonniers au chattel de La Motte, illeant indit Gibles de sept grandes lieues, auquel j'en il s'était établi par surprise pour commodement, socotée ses violences. Là il les fait descendre dans des foires où il les nourrit au pain et à l'eau. Bref, il les tourmente de telle façon que les pauvres remaniens ont contraints de condescendre à sa volonté et de lui promettre ce qu'il demandait, sont la somme de la 1ère cotte. De laquelle somme se voulant assurer, soudain sur le côté sur eux voisins, il les fait de prison, les conduit jusque là. Salutray-sur-Guy, cliquant d'une grande lieue et dentée, est la devant un homme, l'arrêter il les contraint de s'engager de cette somme.
En 1581, à Paris, Véronique Aroux de Koulères fait au procès avec messire Barthélemy Desmetziers, curé de Saint-Léger, qui prétendait avoir droit à la totalité des dîmes du lieu, en Nis, sous et autres choses décimables. Il fait, par transaction, lui en faire l'abandon d'une certaine partie.
De l'union de Véronique Aroux avec Philibert de Sicile sont issus les suivants :
1. Philippine de Sicile, née en 1667, mariée en 1575 à Philippe Delaporte, homme d'armes de la compagnie du duc de Mercreur.
2. Alexandre de Sicile, né en 1562.
3. Suzanne de Sicile, née en 1563, mariée à Jean Siraudin, dont l'article va suivre.
4. César de Sicile, né en 1571, fils 1568 et autre plaitfait au royaume avec Philippine de Sicile, est servir au sujet de la succession de Saint-Léger.
5. Jean Jacques de Sicile, né en 1576, mort de contrainte en 1586.

Jean Siraudin, cuyet, seigneur de Saint-Léger, était un des quatre fils de Nicolas Siraudin, notaire royal en 1570. Sa jeunesse se passa à guerroyer comme homme d'armes de Tavannes dans l'armée des royaux. Il examine l'aimance dans un livre de raison les blessures qu'il reçut « en servant le parti du roy pendant la Ligue, savoir, cioi grande playes venant de coups d'épées » travers le corps, en le reste où ils a été reganés, un coup de mouquet en l'une des jambes, ému chevaux turc sous luy, cioi foit prisonnier... ». Jean Siraudin ne nous dit point dans quelles actions il reçut ses blessures, de même il passe sous silence le véritable acte de brigandage que plusieurs habitants de Gênes l'avaient d'avoir exercé contre eux en 1574. Dans une plainte adressée au Bailliage, en 1577, ils exposent « que après avoir couché à un coup d'outre les soldats postulées, on par le grise de leur bétail, soit par celle de leurs personnes durant les murétales troubles, non content de cela, en l'année 1574, après la célébration de Mâcon, le défenseur accompagne le reptilui huir, soldes, hors armée et embannone, ensuite à suite à l'exprime en la papouse de Gibles, un jour de dimanche alors qu'on extiendrait le divin arrivé. Après ils, avec ses gens, les uns ayant l'épée que au poup, les autres avec un otéoble, le chien souche, il entre, ce saint eutre autres des remancours, les le fera et maina, les carotte et comme forfait les usque prisonniers au chattel de La Motte, illeant indit Gibles de sept grandes lieues, auquel j'en il s'était établi par surprise pour commodement, socotée ses violences. Là il les fait descendre dans des foires où il les nourrit au pain et à l'eau. Bref, il les tourmente de telle façon que les pauvres remaniens ont contraints de condescendre à sa volonté et de lui promettre ce qu'il demandait, sont la somme de la 1ère cotte. De laquelle somme se voulant assurer, soudain sur le côté sur eux voisins, il les fait de prison, les conduit jusque là. Salutray-sur-Guy, cliquant d'une grande lieue et dentée, est la devant un homme, l'arrêter il les contraint de s'engager de cette somme.
Claude Demeaux, seigneur de Marbé, lieutenant du roi en Mâconnais, acquéreur de patrie de Saint-Léger, par contrat du 1er juin 1515, était fils de Jacques Demeurc, déjà propriétaire d'une part de Saint-Léger en 1601. Le 22 juin 1641 il reprit de fait pour toute la seigneurie, déclarant qu'il y avait tous droits de justice et les deux tiers des dîmes. Lors de son décès (1673) il est dit seigneur de Marbé, Saint-Léger, et Painez, lieutenant pour le roi au gouvernement de Mâcon, capitaine des chasses royales et de la tour du pont dudit Mâcon.
Il avait épousé Anne Bernard, fille de Philibert Bernard, élu en l'Élection, et de Marie Boyer, mais n'en ayant point laissé de postérité, il la faisait héritiers de partie de ses biens, ainsi qu'elienne Demeurc son neveu. Le 17 novembre 1677 et 5 février 1678 sa veuve reprenait de fait et donnait le dédombrement de sa seigneurie de Saint-Léger et de son fief de Painez. Par son testament, daté de 22 mars 1682, elle nomme héritier universal Salomon Chemard, son neveu conseiller au Baillage, mais à la charge qu'il acquittera mes dettes et qu'aussi longtemps qu'il jouira de ma terre de Saint-Léger il fera tenir danses, jour en nuit, à temps qui est dans l'église paroissiale dudit lieu, son honneur, du très Saint-Sacrement, voulant qu'à cet effet mon héritier et après lui les possesseurs de ladite terre, il perpétuité, fassent employer en what Choule vingt-cinq livres et que Jafte nomme soit imposée sur toute ladite terre, priant les deux surcs et procurerits d'office dudit lieu de veiller à ce que mes dispositions voient exécutées.
Salomon Chemard, seigneur de Saint-Léger et Painez, né à Mâcon, en 1636, épousa Antoinette Aujas, fut éduvein de la ville en 1685 et nommé, en 1688, lieutenant général, prévôt en garde et juge royal de Mâcon. Il est mort en 1710, après avoir, par son testament du 20 février 1704, institué pour son héritier Antoinette Aujas qui reprit de fief pour Saint-Léger le 5 août 1712. Cette dernière, dans son testament du 12 mars 1738, léguait à son tour Saint-Léger à Abel-Michel Chemard de Laye, neveu de son mari.
Abel-Michel Chemard de Laye, chevalier, baron de Vinzelles, seigneur de Loché, Painez, Saint-Léger, Bouverieux, Le Tour de Romanèche, Prusilly, Arcle et Negus fut lieutenant général au Baillage. Il ne nous est guère signalé que par l'acquisition de trois grandes et belles terres faites dans son voisinage, La Tour de Romanèche (1717), Vinzelles (1739) et Prusilly (1755). Il reprit de fief pour Laye, Loché, Painez, Saint-Léger, etc., le 4 août 1749 et mourut à Mâcon le 6 avril 1755; il fut inhumé, ainsi que sa femme, Anne Bortu de Labarmondière, en l'église des Minimes de cette ville. Il avait testé le 5 décembre 1746 et Anne de Labarmondière le 22 décembre 1755. Après lui Saint-Léger et ses autres biens patrimoniaux à son fils aîné, qui suit.
Pierre-Anne Chemard de Laye, héritier universel testamentaire de son père, fut baron de Vinzelles, seigneur de Loché, Painez, Saint-Léger, Le Tour de Romanèche et Prusilly; puis successivement avocat du roi au Baillage, lieutenant général au même siège, conseiller au Parlement de Bourgogne, président à mortier et finalement conseiller d'État; il est mort au mois de juillet 1790.
De son union avec Antoinette Normand, fille de François Normand, conseiller au Parlement de Bourgogne, il laissait une fille, Antoinette Chemard, mariée à Ferdinand-Bernard de Moyriat, maréchal des camps et armées du roi, et un fils, le suivant, qui hérita de ses biens.
Pierre-Elisabeth Chemard, seigneur de Laye, Loché, Vinzelles et Saint-Léger, par suite de la donation faite en son contrat de mariage, le 22 avril 1764, avec Barbe Quinaxiu, faisait visiter, en 1771, des bâtiments et le mobilier du château et obhésité, en 1785, du fémure de fondation du hall de la terre en lui payant 27.000 livres. Peu après la terre et seigneurie étaient mise en vente par affiche en l'étude de M. Lagrange, notaire à Mâcon, et acquise le 30 mai suivant par dame Françoise Bellon, veuve de M. Jacques Ratton, secrétaire du roi et seigneur de Condemines. Lors de l'assemblée de tous les gentilshommes et nobles tenant fief dans le Baillage pour dire le dépule de la noblesse aux États généraux, elle se fit représenter par noble Antoine Laborier près, coury.
Saint-Léger passait après elle à autre Jacques Ratton, son fils, négociant à Lubonne, où il épousa demoiselle Anne Declamousse, une fortugaise, dont il laissa trois fils et quatre filles.
Lucille Ratton, l'une de ses dernières, mariée le 13 août 1772 à Louis-Claude Aujas, fils de Louis-Anne Aujas, avocat et maire de Mâcon, eut Saint-Léger pour sa vie. À la Révolution elle fut internée comme suspecte et le séquestre mis sur ses biens, mais les Ratton étant présumés de leur nationalité portugaise, le séquestre fut levé, ils avaient arboré le drapeau portugais sur Saint-Léger. Mme Aujas est morte au château, en 1824, léguant le domaine à sa petite-fille, Mme Pallard, laquelle n'ayant pas eu de descendance, donna les biens à sa sœur.
Mme Biondel, la propriétaire actuelle, mère de M. Blondel, mort en 1886 au château de Saint-Léger.
Le château s'élève dans un site pittoresque, à l'extrémité orientale d'une éminence rocheuse et en partie boisée, qui domine de trente à quarante mètres la vallée de la petite Grosne.
Il présente une cour carrée encadrée de toutes parts de bâtiments flanqués d'un gros pavillon à chaque extrémité de la façade orientale. Le portail d'entrée, voûté en cintre surbaissé, est placé à l'occident, partie du monticule le plus facilement accessible. Toujours précédé de son ancien fossé, il montre encore dans sa muraille les ouvertures par où se levait et s'abaissait le pont-levis, aujourd'hui remplacé par un pont dormant. À gauche en entrant, vers l'angle nord-ouest, se dresse une tour ronde de défense, construite en bel appareil et en parfait état de conservation. Sa muraille, qui mesure plus d'un mètre d'épaisseur est talutée à la base et percée de deux canonnières; cette tour ne nous paraît pas antérieure au XVIIe siècle. Dans le corps de bâtiment qui fait suite se voient des ouvertures à croisillons de pierre. C'est dans cette aile que se trouve l'ancien escalier à vis, et à la suite un grand salon, aujourd'hui formé par la réunion de deux pièces et dont les murs sont tendus de tapisseries anciennes à personnages. Dans un petit salon placé un peu plus loin sont quatre à cinq portraits de famille, antérieurs à la Révolution.
Les deux pavillons de la façade orientale sont reliés par une longue galerie moderne et leur premier étage desservi par un bel escalier, aussi de construction récente. Dans l'aile méridionale, un peu affectée à des dépendances, se voit, contre une cheminée, le millésime de 1645, elle serait donc l'œuvre de sieur Claude Demeaux, acquéreur de Saint-Léger en 1655.
Les cuvages et bâtiments de vignerons sont en grande partie adossés contre l'enceinte nord du château. C'est là que se trouvait aussi placée l'ancienne et la petite église paroissiale, aujourd'hui démolie. Cette église, vendue en 1756 à M. Ratton, était placée entre la cuire et le château et mesurait quarante-cinq pieds de long sur quinze de large. Le cimetière qui en 1702 remplaça l'ancien "remply de corps morts" joignait l'église du côté de vent et avait en longueur trente-six pieds et douze en largeur.
Nous n'avons rencontré qu'une visite du château et de ses dépendances, avec inventaire de son mobilier; nous allons la reproduire en partie. Elle date de l'année 1783 et fut faite à la requête du sieur Sérezia, fermier de la terre, pour constater l'état des lieux. Passé par héritage, depuis soixante ans, dans la famille des Chesnard de Layé et complètement délaissé par eux, comme habitation, nous ne serons point étonnés de l'état d'abandon et de délabrement dans lequel tout va un peu se montrer.
...Au cuvier il manque les portes qui le fermaient autrefois et cinq ventaux aux fenêtres... Il faut refaire quinze des ventaux des fenêtres, à l'égard des vitres il ne manque que six grands carreaux, mais un plus grand nombre aux vitrages plombés du rez-de-chaussée; toutes les portes ferment assez bien; au grenier il y a douze ventaux de fenêtres à faire pour la conservation des denrées.
Au cabinet de la tour ronde il y a quatre châssis de fenêtres sans vitres, au pavillon sur l'écurie quatre ventaux à faire; au pavillon du jardin ou cabinet d'été, il manque les ventaux et fermetures, vitrage de porte et fenêtre, il est fort délabré.
Quant aux couverts et toits du château et tinaillet et écurie la charpente en paraît bonne, mais ils auraient besoin d'être recouverts à tranchées ouvertes...; le corridor du château est dans le besoin d'être tout vitré à neuf avec d'autres châssis... les murs du château sont délabrés, il y a deux toises à remailler sans retard, il faut aussi refaire la porte du côté du bois; ledit jardin est sans garnitures, ni arbres, sauf trois ou quatre vieux pieds, contre les murs, qu'il faut renouveler.
Le mur du verger du côté du matin est totalement ruiné et la tour qui est à l'extrémité et sans toit, ne servant que de clôture.
À la cuisine du château il n'y a qu'un vieux tournebroche avec ses cordages, poids et broche, avec un fourneau en ruine.
Au salon, à côté, il n'y a que des placards et armoires boisés et peints qui sont en bon état et ferment à trois serrures.
Au salon d'en haut et office à côté il y a six chaises rembourrées, couvertes en toile verte, bien usées et passées, ces chaises sont très vieilles et d'un bois simple et usé; plus une chaise de bois, deux très mauvaises de paille, deux tables en bois noyer, deux chenets, sans autre garniture de foyer; le dessus de la cheminée est boisé et il s'y trouve un tableau représentant la Vierge.
À la grande salle il y a une table de bois noyer, un rondeau de sapin, quatre canapés en paille, deux vieilles chaises rembourrées, six autres chaises à moitié rompues et un tableau sur la cheminée représentant le Christ.
Dans la chambre alcève, sans lits, il y a trois chaises rembourrées, couvertes de toiles déchirées et six autres vieilles chaises couvertes de vieux cuirs, hors d'état de servir.
Dans les deux chambres suivantes il n'y a aucun meuble ni effets.
Dans la chambre du cabinet rond il n'y a que six mauvaises chaises avec un vieux meuble en sapin rayonné. Ce sont tous les effets qui se trouvent dans ledit château et qui appartiennent au seigneur de Saint-Léger.
Saint-Léger a laissé peu de souvenirs à l'histoire. Malgré sa situation avantageuse il ne figure point au nombre des châteaux du Mâconnais qui furent pris ou occupés durant la longue période des guerres entre Armagnacs et Bourguignons. Il n'en est pas question, non plus, en 1471, lors de l'invasion de ce comté par les troupes de Louis XI entrant par la frontière du Beaujolais. Également pas de mention à l'époque des guerres de Religion. Mais Royaux et Ligueurs se le disputèrent un instant, en 1594. Claude Bernard relate ainsi le fait dans ses Annales (p. 314).
Le 1er mai 1594, Mâcon abandonnait le parti de la Ligue; le premier juin, le gouverneur et le capitaine ayant été avertis que quelques troupes de la garnison de Ligueurs de Thoissey, la nuit précédente, avaient passé la Saône et s'étaient emparées avec le pétard du château de Saint-Léger, y envoyèrent quarante chevaux et quatre-vingts arquebusiers pour les assiéger. Les paysans ayant fait un grand trou dans la muraille, les assiégés au nombre de dix-huit demandèrent à parlementer, mais sur ces entrefaites il entra plusieurs soldats par ce trou, qui prirent les assiégés par derrière, en tuèrent douze avec le capitaine Groux qui les commandait. Trois autres furent amenés prisonniers qui furent relâchés le lendemain, deux autres ayant été relâchés sur-le-champ, dont l'un était un enfant de la ville et l'autre un jeune homme qui demanda miséricorde.
On lit aussi dans les registres secrétariaux de la ville, que deux écus furent donnés à un Martin Baril, habitant de Mâcon, blessé à la reprise du château de Saint-Léger, "qu'avait été surpris par voleurs pour ravager jusques en nos portes".
Lors des brigandages politiques du mois de juillet 1789, il paraît, d'après la pièce qui va suivre, n'y avoir échappé que grâce aux prompts secours que son voisinage de la ville de Mâcon lui permit d'en recevoir.
MM. Rulsa du Mérac, capitaine de la milice bourgeoise, et Saulnier, son lieutenant, sur le bruit des dégâts qui se faisaient dans le voisinage du château de Saint-Léger par les brigands qui dévastaient toutes les maisons de campagne, sont partis sur les dix heures, accompagnés de vingt fusiliers, de deux cavaliers et d'une dizaine d'habitants de Charnay, qui se sont unis à eux sur leur passage. Arrivés sur la place étant au-devant du château de Saint-Léger et aux environs de la croix ils ont vu une troupe de particuliers qui étaient assis devant cette croix et un plus grand nombre qui s'enfuit dans le bois voisin. Aussitôt ils ont fondu sur les personnes qui étaient après boire et se sont saisis de quinze ou seize individus, munis de cocardes de diverses formes à leur chapeau et d'une bouteille de vin cachetée à la main. Tous, à l'exception de deux, ont cherché à s'enfuir. Ils paraissaient s'être tous réunis là pour faire des dégâts au château. Quatorze purent être saisis, dont Protat après une longue poursuite à travers les vignes. Ce dernier « fut trouvé porteur de choses qui ne sont point d'un paysan ». Ce Protat, voiturier d'Igé, s'était déjà signalé comme un des meneurs lors de la dévastation des châteaux d'Igé, de Saint-Mauris et de la cure de Yerze; condamné à mort il fut pendu sur une potence à quatre branches et son corps exposé sur la route de Charnay.